Grand rendez-vous mondial de l’innovation, le 17e Web Summit de Lisbonne vient de s’achever. Alors que les tenants des énergies fossiles reviennent aux pouvoirs aux USA, des mises en garde sur l’impact environnemental et social de l’IA se sont exprimées pendant que de nouvelles innovations faisaient la promotion de l’IA…
On dirait que chaque événement centré sur l’IA est un nouveau tournant dans sa courte histoire ! Le salon de Lisbonne n’y a pas échappé. Organisé du 11 au 14 novembre dans la capitale portugaise, le 17e Web Summit, a accueilli cette année plus de 70 000 participants venant de plus de 160 pays dont 3000 startups, 1000 investisseurs, 2000 journalistes, des chefs d’Etats, patrons de multinationales… et même le chanteur Pharrell Williams, également entrepreneur et adepte de l’IA.
Le programme 2024 était dual, comme c’est dorénavant l’usage :
Côté vitrine : les annonces d’innovations, toujours nombreuses, souvent impressionnantes. Côté coulisses : une série de conférences/débats où se sont affrontés l’optimisme des novateurs, investisseurs, technophiles… et les mises en garde des spécialistes et utilisateurs. Rien d’anormal dans ce rendez-vous désormais considéré comme « La Mecque de l’innovation technologique », l’autel où le futur se révèle pour dire au monde : « Voici la prochaine étape » ! Mais à l’heure où les Etats-Unis de Trump se préparent à déréglementer, à se désengager du climat et à promouvoir le pétrole, les mises en garde, appels à créer des normes prudentielles ressemblaient plus à des cris d’alarme…
Au Web Summit 2024, de nouvelles innovations marquantes ont été dévoilées ou lancées, démontrant la progression de l’IA dans des secteurs de plus en plus divers : énergie, luxe, sécurité, commerce, santé, musique, création…
Créer de l’énergie à partir de… l’air !
Alors que s’est ouverte la COP 29 en Azerbaïdjan avec retour en force des énergies fossiles, en matière de GreenTech, à Lisbonne la start-up américaine Twelve – « The carbon transformation company » – a affirmé pouvoir créer du carburant propre à partir du CO2 présent dans l’air. « Nous imitons les arbres et les plantes« , a expliqué sa cofondatrice Etosha Cave lors de la soirée d’ouverture du sommet. Elle a décrit un futur sans pétrole où cette technologie pourrait alimenter les vols longs courriers, par exemple.
Une promesse qui a permis à Twelve de lever près de 650 millions de dollars, bien que le chemin soit encore long d’ici à la concrétisation, particulièrement avec le retour des Trumpistes, adeptes des énergies fossiles et climatosceptiques.
Connecter commerçants et fabricants
Dans le secteur de l’IA conversationnelle, le président d’Alibaba, Kuo Zhang, a dévoilé son nouveau moteur de recherche Accio. Ce chatbot puissant permet aux petits commerçants de se connecter directement avec des fournisseurs à travers le monde. Sa capacité à interpréter les requêtes en langage naturel facilite la recherche de partenaires commerciaux sur la plateforme, ce qui contribue à simplifier et à optimiser les opérations des PME dans le commerce électronique mondial et devrait accroitre le périmètre commercial de la plateforme chinoise.
Expérience réelle du luxe
Côté français, le leader mondial du luxe, LVMH, a levé le voile sur ses initiatives exploitant l’IA et la réalité augmentée pour personnaliser des expériences comme, par exemple, faire des recommandations beauté et de soins de la peau après analyse précise du type de peau et en tenant compte des préférences du client. Globalement, ces avancées visent à prédire les préférences des consommateurs, à accélérer la chaine de création/production pour ajuster au plus vite l’offre et réduire le stockage, donc le gaspillage. Parallèlement, LVMH a mis au point des programmes de formation interne à L’IA pour ses équipes. Cette stratégie du leader du luxe est vue comme un modèle pour concilier tradition et modernité dans un secteur où l’expérience client est primordiale et l’innovation technologique cruciale…
Sécurité via SMS
En matière de sécurité, la start-up française Prélude a annoncé avoir levé 8 millions de dollars pour, notamment, se développer à l’étranger par acquisitions. Prélude est une solution intelligente de sécurisation des connexions par SMS, dédiée aux entreprises, pour éviter les fraudes. Son algorithme permet à Prélude de choisir les chemins d’accès par réseau mobile les moins coûteux et les plus sûrs. En moyenne explique Prélude, ses clients ont réduit leurs coût de vérification de 40%, atteint un taux de conversation de 95% sur les messages de vérification. Il assure faire ainsi barrage à 99% des spams et de la fraude.
Améliorer l’efficience des services d’urgence
En santé, il a été question de différentes solutions d’analyse en temps réel et en continue de l’état des patients arrivés à l’hôpital pour accélérer leur prise en charge, si nécessaire, et ainsi réduire les risques d’aggravation voire de mortalité. Une vraie réponse à la problématique de l’embouteillage des services d’urgence hospitaliers.
Toujours dans le secteur de la santé, la jeune pousse américaine Yung Sidekick, a lancé durant le Web Summit une nouvelle application de thérapie numérique dédiée au bien-être mental, utilisant l’IA pour offrir un suivi personnalisé des patients et analyser les progrès thérapeutiques en temps réel. En exploitant les données biométriques et l’historique de santé des utilisateurs, cette application vise à rendre la thérapie plus accessible, efficace et réactive.
Encadrer, réguler pour prévenir l’impact négatif de l’IA
A côté de des annonces enthousiasmantes, lors du Web Summit 2024 plusieurs experts et dirigeants ont pris la parole pour, une nouvelle fois, évoquer, prévenir les dérives potentielles de l’intelligence artificielle. Certains ont à nouveau mis en avant les problèmes environnementaux liés à l’IA. Particulièrement la consommation énergétique massive des centres de données nécessaires pour entraîner les modèles d’IA. Trois interventions résument à elles seules les problématiques majeures du moment en matière d’IA :
Brad Smith, président de Microsoft, a évoqué les risques de biais algorithmique et de dérives éthiques dans les systèmes d’IA et souligné l’importance de collaborations internationales pour créer des normes de gouvernance de l’IA, afin de minimiser les risques pour la société. « L’intelligence artificielle est la nouvelle grande technologie de rupture, mais elle doit être régulée pour éviter des conséquences imprévues sur la société », a-t-il déclaré.
Max Tegmark, président du Future of Life Institute, a alerté sur la possibilité que des intelligences artificielles avancées échappent au contrôle humain. Lors d’une table ronde, il a insisté sur la nécessité de limiter le développement de l’IA générale sans garanties de sécurité. « Nous sommes à un carrefour critique. Si nous prenons la mauvaise route, l’IA pourrait échapper à notre contrôle et mettre en danger notre avenir », a de son côté martelé le patron de l’Institut expert en lobbying pour prévenir les dérives liées aux innovations.
Thomas Wolf, cofondateur de Hugging Face, a abordé les impacts de l’IA sur le marché de l’emploi, insistant sur la nécessité d’un dialogue social pour accompagner les transitions causées par l’automatisation croissante. « L’IA va bouleverser l’emploi, mais nous devons préparer les travailleurs à cette transformation en repensant la façon dont nous les formons et les soutenons », a de son côté prévenu le cofondateur de la startup américaine spécialiste de l’apprentissage automatique.
Des interventions qui témoignent d’une prise de conscience collective et de la volonté de poursuivre l’aventure IA en minimisant ses impacts sociaux et environnementaux. Y’a du travail !