Une vraie bombe à fragmentations ! Lundi 27 janvier, la toute nouvelle IA conversationnelle Chinoise, DeepSeek (recherche profonde), fruit d’une startup de Hangzhou financée par le fonds spéculatif chinois High-Flyer, s’est classée N°1 des téléchargements gratuits aux Etats-Unis sur l’AppStore, reléguant brutalement le successfull ChatGPT à la seconde place. Un rush qui a valu quelques problèmes techniques à l’entreprise, contrainte un moment de bloquer sa plateforme, tant elle a été elle même surprise par son soudain et fulgurant succès. Une immixtion fulgurante qui a créé un vent de panique sur la Silicon Valley où l’on n’a pas tardé à sentir la brutalité des réactions boursières.

Un second événement, toujours lundi 27, est venu dans la foulée confirmer le vif intérêt – sinon l’inquiétude – suscité par DeepSeek et sa technologie différenciante : selon des rapports de Reuters et CNBC, la startup chinoise d’IA a temporairement limité les nouvelles inscriptions d’utilisateurs à la suite d’une « cyberattaque à grande échelle » contre ses services. Voici d’ailleurs ce que l’on pouvait lire sur la plateforme ce mardi 28 au matin : « Due to large scale malicious attacks on DeepSeek’s services, registration may be busy »…

Une technologie d’IA bien plus efficiente

Le succès soudain de DeepSeek R1 et de son grand frère R1-Zero, n’est pas le fruit du hasard. Basée sur un nouveau langage de pointe conçu pour accroitre les capacités de raisonnement et d’analyse, son architecture hybride dénommée « Mixture of experts », combine un apprentissage renforcé et une meilleure exploitation de la chaine de raisonnement, contribuant ensemble à améliorer ses performances. Cerise sur le gâteau, cet agent conversationnel n’exploite « que » 37 milliards de paramètres sur les 671 milliards mis à sa disposition. Les conséquences sont juste énormes : réponses plus rapides, jugées équivalentes à celles de ChatGPT, et bien moindre consommation d’énergie, futur nerf essentiel de la guerre de l’IA si l’on considère la montée des coûts de l’énergie.

Accessoirement, le fait d’avoir besoin d’une puissance de calcul moindre pour arriver aux mêmes résultats que ses concurrents américains, bouleverse le secteur des puces qui basaient leur croissance sur la démultiplication de leur puissance de calcul. DeepSeek fonctionne apparemment très bien avec les puces des générations actuelles. Pas besoin des couteux processeurs dernières et futures générations de Nvidia ?

Un coût qui jette un froid… et des espoirs

Si l’on en croit les dirigeants de DeepSeek, alors qu’aux Etats-Unis les grandes firmes déjà lancées dans la course à l’IA (Google, Microsoft, Meta, X.AI.Corp (Musk), ou encore Open AI…), ont consacré en 2024 près de 180 milliards de dollars en recherche et développement de l’IA, la startup chinoise n’aurait eu besoin, elle, que de… 6 millions de dollars (bien millions !). Pour comparer encore, Elon Musk le cost-killer a levé en décembre 6 milliards de dollars pour développer X.AI.Corp, son IA qui aura donc nécessité jusque-là 12 milliards de dollars pour exister et se développer.

Surtout, si les startups chinoises parviennent à réduire drastiquement les coûts des IA, cela va déplacer la guerre de la performance des IA sur le terrain préféré des Chinois : les tarifs. Une version de l’histoire qui va sans doute faire des victimes aux US où il va bien falloir compenser les sommes fabuleuses déjà dépensées. Mais une évolution qui pourrait profiter in fine au consommateur, avec le risque de perdre en souveraineté.

Guerre de compétences ?

Les ingénieurs chinois, parfois formés dans les universités américaines, seraient-ils plus performants que ceux de la Silicon Valley aux salaires mirifiques ? Ou bien le toujours très actif espionnage industriel, associé à une expertise grandissante, aurait-il permis aux Chinois de rattraper et dépasser les Américains ? Un fait en tout cas est certain : les USA et leur programme à 500 milliards de dollars investis en quatre ans dans l’IA annoncé par Donald Trump ou encore les 200 milliards investis dorénavant chaque année par les Big techs ne sont plus la garantie d’une domination dans le monde de l’IA ; l’argent à flot n’est plus le seul moteur de l’innovation, comme on l’a déjà vue sur les voitures électriques. L’Europe devrait y penser…

Cata sur les valeurs de la Tech US

La sacro-sainte bourse de New-York, véritable observateur en temps réel de l’efficacité des innovations, n’a pas tardé à claironner son verdict : -16,97% en clôture pour Nvidia, le géant des cartes à puces, qui continue ce mardi matin sa chute (-24%), -7,83% pour son concurrent AMD, -17,4% pour Broadcom en clôture lundi (autre concurrent de Nvidia), -8,7% pour Dell, -2,14% pour Microsoft, -4,2% pour Alphabet (Google), ou encore -2,59% pour Intel. Seul Meta (Facebook and Co) est revenu à l’équilibre après une petite chute en séance… Manifestement bien inspirée, la société d’IA fondée par Elon Musk, X.AI. Corp, n’est plus cotée en bourse.

Quick test de DeepSeek : rapide, factuel mais légaliste

Indéniablement DeepSeek va vite, très vite même, ainsi que l’a montré notre premier test rapide. Si elle rappelle à l’envie qu’elle « n’a pas accès à des informations en temps réel », (problème majeur des IA aujourd’hui), les réponses de sa version V3 n’en restent pas moins pertinentes, factuelles, y compris sur des sujets sensibles, sachant que l’on a affaire à une startup chinoise.

Ainsi, interrogée sur l’état des droits de l’Homme en Chine, DeepSeek renvoie cette réponse :« En Chine, la liberté d’expression est encadrée par des lois et des régulations strictes qui visent à maintenir la stabilité sociale et à protéger les intérêts de l’État. La Constitution chinoise garantit en théorie la liberté d’expression, mais dans la pratique, cette liberté est limitée par des considérations politiques, sociales et culturelles. Le gouvernement chinois régule activement les médias, l’internet et les réseaux sociaux pour contrôler l’information et prévenir la diffusion de contenus considérés comme sensibles ou subversifs. Par exemple, des plateformes comme WeChat, Weibo et d’autres réseaux sociaux sont surveillées, et des contenus critiques envers le Parti communiste chinois (PCC) ou le gouvernement peuvent être censurés », etc. Une certaine liberté, mais pour combien de temps ?

Et quand on questionne DeepSeek sur son efficacité comparée à ChatGPT, l’assistant conversationnel reconnaît une supériorité de son concurrent américain « dans certains domaines » mais pas tous, et précise notamment : « DeepSeek-V3 est conçu pour respecter strictement les lois et les normes chinoises, notamment en matière de censure et de contrôle de l’information. Cela le rend plus conforme aux attentes du gouvernement et des utilisateurs chinois ».

Du gouvernement, c’est sûr, des utilisateurs…