Les avancées en intelligence artificielle (IA) sont en train d’inonder le domaine de la prévision météorologique et des catastrophes naturelles. Si 2024 a été marquée par de nombreux drames spectaculaires liés à l’évolution du climat, 2025 s’annonce comme une année d’innovations majeures pour de bien meilleures prédictions.
2024 : quand le changement climatique challenge la prédiction

Cyclone Chido à Mayotte, inondations éclaires et spectaculaires à Valence, sécheresse historique en Colombie, inondations à grande échelle en Afrique de l’Ouest, en Asie du Sud-Est et en Chine, et maintenant incendie dévastateur à Los Angeles… 2024 apparait comme une année charnière dans les effets dramatiques du réchauffement climatique qui, rappelons-le, s’est traduit par une hausse des températures sur le globe de 1,5 degré en moyenne. Et 2025 débute mal.
Prévoir avec précision et anticipation les évolutions météorologiques devient donc un enjeu de premier ordre, y compris au plan économique, tant les dégâts liés aux catastrophes se sont chiffrés en centaines de milliards de dollars ces derniers mois.
L’Intelligence Artificielle a démontré ces toutes dernières années, son potentiel en matière de prévision/anticipation. C’est donc naturellement qu’elle arrive au secours des experts de la météo et du climat, avec l’espoir de sauver des milliers de vies et de réduire la facture gigantesque des dégâts climatiques.
Comment l’IA améliore la prévision météorologique
Globalement, c’est grâce à ses capacités de traitement rapide, de collecte et d’analyse de données massives et complexes, que l’intelligence artificielle (IA) peut contribuer à un tournant dans la prédiction météorologique des catastrophes naturelles. Voici pourquoi précisément :
- Précision accrue et rapidité
Les modèles traditionnels de prévision météorologiques reposent sur des équations physiques complexes, basées sur la collecte de multiples données, à la fiabilité variable, donnant lieu à des volumes de calculs gigantesques. Laure Raynaud, chercheuse au Centre National de Recherche Météorologique (CNRM), a expliqué lors du sommet « Big data et AI », organisé en octobre 2024 à Paris, que le recours à l’IA, pourrait clairement « changer la donne », :
«L’IA permettrait d’accélérer les calculs de prévision et de les rendre plus précis, en particulier sur des échelles locales. Là où un modèle actuel prend une heure pour effectuer une prévision, l’IA pourrait le faire en quelques secondes » !..
- Le Deep-learning au secours de la prévision à moyen et long terme.
L’IA est aujourd’hui capable de combler le fossé entre les prévisions immédiates (de quelques minutes à 24 heures) et celles à plus long terme, voire à très long terme (la décennie). En intégrant des données en temps réel (imagerie satellite, capteurs), elle produit des prévisions hyperlocales avec une précision inégalée.
Des modèles d’apprentissage ont déjà été testés intégrant un volume toujours plus grand et toujours plus actualisé pour des prévisions à la fois plus fiables et plus locales.
Capable d’exploiter des « réseaux de neurones convolutifs », qui sont notamment capables d’analyser des images, l’IA pourra rapidement modéliser plus précisément la naissance et l’expansion des phénomènes extrêmes, tels que cyclones ou orages. Grâce aux algorithmes d’apprentissage profond, déjà défini, il devient possible de simuler des scénarios rares mais critiques, comme des vagues de chaleur extrême ou des cyclones tropicaux, pour mieux anticiper leur occurrence et leur intensité.
- Pour les populations, le recours à l’IA doit permettre de développer des systèmes d’alerte efficaces qui avertissent les populations en temps réel des dangers imminents tels que séismes, inondations ou incendies de forêt, permettant une meilleure préparation voire leur évacuation.
- Réduction des coûts.
Ça n’est pas un sujet anodin. Un des problèmes de la prévision météorologique, c’est son coût, son besoin continu d’investissements: personnels, matériels de captage des données, satellites, stations, drones, radars… et capacités de calculs ont un coût astronomique. Rien que pour Météo-France, la dépense flirte avec les 300 millions d’euros par an !
Parce qu’elle se base sur une exploitation plus approfondie des données, qu’elle apprend sans cesse, et qu’elle consomme moins de ressources de calcul que les modèles physiques traditionnels, l’IA rend les prévisions plus rapides et moins coûteuses sans que cette économie attendue soit encore évaluée.
Quatre innovations majeures déjà déployées
Les innovations dans le secteur de la prévision sont déjà nombreuses. Voici quatre exemples d’apports de l’IA aux prévisionnistes de la météo et des catastrophes naturelles ayant vu le jour depuis 2023 :
- Flood Hub, de Google :
Déployé dans 80 pays, cet outil utilise des modèles hydrologiques et d’inondation combinés pour prévoir les crues jusqu’à 7 jours à l’avance. Il a permis de protéger environ 460 millions de personnes, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est, où les infrastructures de prévision sont souvent peu performantes.
- GenCast, de DeepMind :
Ce modèle d’IA dévoilé fin 2024 a repoussé les limites des prévisions météorologiques en atteignant un taux de précision de 97 % sur des tests réalisés avec des données historiques, à 15 jours. Il peut générer des prévisions détaillées en seulement 8 minutes, contre plusieurs heures pour les systèmes traditionnels.
- Earth-2, de NVIDIA :
Grâce à ses microservices comme FourCastNet NIM, cette plateforme créée par Nvidia, le géant du calcul, a accéléré jusqu’à 500 fois les simulations climatiques, grâce notamment à l’exploitation accélérée de 20 fois plus de données, permettant une anticipation plus précise des catastrophes naturelles telles que les ouragans ou les incendies de forêt, avec visualisation interactive.
- Applications spécifiques
– Des chercheurs japonais ont développé un dispositif capable d’observer les typhons depuis l’œil de la tempête, améliorant considérablement la précision des prévisions.
– En Australie, une IA spatiale a été utilisée pour suivre l’évolution des incendies de forêt, offrant une meilleure planification des interventions.
Pourquoi il faut faire vite
En 2024, plusieurs catastrophes naturelles majeures ont frappé le monde et l’Europe, y compris la France, causant des pertes humaines et matérielles considérables. En voici, pour mémoire, quelles exemples marquants qui justifient le recours en urgence à l’IA pour de meilleures prédictions et un système d’alerte plus efficace.
- Inondations à Valence, Espagne : Cet événement a été le plus grave en Europe, avec des pluies torrentielles atteignant 600 mm en une journée. Ces inondations ont causé la mort d’au moins 200 personnes et des dégâts estimés à 11 milliards de dollars.
- Cyclone Chido à Mayotte (France) : Ce cyclone a dévasté l’île française en décembre 2024, détruisant des infrastructures et provoquant des pertes humaines importantes : une quarantaine de morts et 2100 blessés au moins. Les sociétés de réassurances, elles, estiment le coût des dégâts matériels entre 650 et 800 millions d’euros.
- Inondations en Allemagne et pays voisins : En juin et septembre 2024, ces inondations ont causé des pertes financières de plus de 9 milliards de dollars. Les informations sur les pertes humaines n’ont pas été globalisées.
- Incendie de Los Angeles (USA) : le feu le plus dévastateur de l’histoire des Etats-Unis, apparu le 7 janvier 2025, a fait au moins 24 morts et pas moins de 275 milliards de dollars de dégâts.
Reste pour l’heure un défi : la masse et la qualité des données disponibles. Elles pourraient rapidement brider voire enrayer l’efficacité de la contribution de l’IA et réclament donc à la fois plus de collecte et de coopérations internationale et institutionnelles.
visuel : Weather icon with hands typing on a laptop with cloud environment change technology icons floating above, indicating the use and management of AI in data visualization design for web development. source ADOBE stock